Jocelyn Cottencin

BIO & TEXTES

BIO FR

Après une double formation en arts et architecture, Jocelyn Cottencin est diplômé de l’ENSAD, Paris. Il mène depuis plusieurs années une réflexion sur la forme, l’image, le signe et l’espace au travers de thématiques
récurrentes comme celles du groupe et de la communauté. Il utilise pour ses projets l’installation, le film, le graphisme,
la typographie, la performance, le livre. 

Proche du champ chorégraphique, il conçoit des dispositifsscéniques pour des chorégraphes dont Loïc Touzé, Latifa Laâbissi, Alain Michard, I-Fang Lin, Olivia Grandvilleet collabore particulièrement avec Emmanuelle Huynh ces dernières années. 

Il a notamment ouvert avec elle un cycle de travail
qui s’intéresse à travers des gestes et des mouvements aux territoires urbains, à l’histoire et aux présents des lieux.
Ils ont ensemble réalisé quatre projets sur les villes de New York, Saint-Nazaire, Houston et São Paulo.
Les deux derniers projets ont été présentés récéemment au théatre National de Chaillot, Paris.

 

Ses derniers projets personnels sont des installations où la réalisation de films tient une place importante qui généralement mêlent la fiction, le documentaire au travers d’actions performatives. 

Monumental, sa pièce performative pour 12 danseur.e.s a été soutenue par le programme NEWSETTINGS de la fondation Hermès et est régulièrement présentée depuis à la fois dans des musées comme dans des théâtres.

En janvier 2020, il a exposé Échauffement Général  au centre chorégraphique de Montpellier - direction Christian Rizzo. Constitué d’un ensemble d’échauffements - écrits commandés
à differents chorégraphes et performers (en particulier ceux impliqués dans Monumental. Conçu comme un projet éditorial à activer, l’exposition devient le lieu hybride entre la documentation
et la zone d’échauffement. Ce travail positionne l’échauffement comme un matériau poétique, politique et potentiellement fonctionnel.

Depuis une quinzaine d'année, il développe son travail autour de la fin de la modernité prolongeant ainsi les réflexions engagées sur la communauté, le groupe et les notions de représentations.

Cet axe engage aussi le fait de repenser les modes
de production en art. Il développe des projets où la notion d'expérience collective devient une partie importante des œuvres qu'il conçoit, en impliquant à la fois des habitants ou/et des performers. Ces différentes actions sont pensées comme des sculptures sociales productives.*

Il a conçu en 2018 une installation pérenne dans le cadre d’un 1% artistique pour l’IUT C de Roubaix, composée de 3 films Chronique d’un automne, les formes du travail, entre documentaire, fiction et performance. Il a pour ce projet travailler avec les étudiant.e.s, les enseignant.e.s et le personnel de l'IUT. Cette pièce interroge la relation au travail sur un territoire marqué par un des premiers effondrements économiques et industriels.

Il vient de réaliser en 2023 une œuvre polymorphe
l’assemblée, lexique lacunaire pour maintenant  dans le cadre d’un 1% artistique à Nancy pour le collège Niki de Saint Phalle où il a engagé sur plus de deux ans un dialogue avec des collégien.nes et des étudiant.es du Campus Artem (École des Mines, ICN business School et l’École supérieure d’art et de design).

Ce travail se compose de différentes strates incluant
la réalisation d’une typographie, d’un système de signe développé avec les collégien.ne.s et la réalisation d’un livre pour re-nommer le monde
 Le lexique lacunaire pour maintenant 
à l'éclairage de la fin de la modernité et des interdépendances que nous avons oubliées.

Il intervient dans différentes écoles en France et à l’étranger (Rietvelt Academie _ Amsterdam, ENSBA/Paris, ENSBA- Dijon, , Uarts _ Philadelphie, Ensa Nantes, ENSAD Nancy, etc). 

Il est associé au master Exerce / CCN de Montpellier de danse et de performance, notamment sur un axe de recherche qu’il a mis en œuvre L’édition comme acte performatif .

Jocelyn Cottencin présente régulièrement son travail
en France et à l’étranger. Ces dernières années, ses projets ont notamment été montrés au centre Pompidou / Paris, Grand Café / Saint Nazaire, Palais de Tokyo / Paris, Centre Pompidou /
Malaga, Mana Chicago, Mana Jersey City, Kanal / Bruxelles, Uarts / Philadelphie, Frac Bretagne, Carré d'art de Nîmes, etc.

 


*Le concept de sculpture social vient de l'artiste  allemand Joseph Beuys, lui même inspiré par le travail du théoricien et du créateur de l'anthroposophie Rudoph Steiner.Jocelyn Cottencin prolonge ces idées et concepts par le terme de sculpture sociale productive.

BIO ENG

Jocelyn Cottencin has a dual background in art and architecture, and is a graduate of ENSAD, Paris. For several years now, he has been reflecting on form, image, sign and space through recurring themes such as group and community.
 In his projects, he uses installation, film, graphic design
typography, performance and books.


Close to the field of choreography, he has designed scenic devices for choreographers including Loïc Touzé, Latifa Laâbissi, Alain Michard, I-Fang Lin and Olivia Grandville, and has collaborated particularly with Emmanuelle Huynh in recent years.

In particular, he opened a work cycle with her
which uses gesture and movement to explore urban territories, their history and their present. Together, they have completed four projects on the cities of New York, Saint-Nazaire, Houston and São Paulo. The last two projects were recently presented at the Théatre National de Chaillot, Paris.

His latest personal projects are installations in which filmmaking plays an important role, generally combining fiction and documentary with performative actions.
Monumental, his performance piece for 12 dancers, was supported by the NEWSETTINGS program of the Fondation Hermès and has since been regularly presented in museums and theaters alike.
In January 2020, he exhibited Échauffement Général at the Centre Chorégraphique de Montpellier - directed by Christian Rizzo. Consisting of a series of written warm-ups commissioned choreographers and performers (in particular those involved in Monumental. Conceived as an editorial project to be activated, the exhibition becomes a hybrid space between documentation and warm-up zone. This work positions warm-up as a poetic, political and potentially functional material.

For the past fifteen years, he has been developing his work around the end of modernity, extending his reflections on community, the group and notions of representation.
This axis also involves rethinking the modes of production in art. He develops projects in which the notion of collective experience becomes an important part of the works he designs, involving both residents and/or performers. These various actions are conceived as productive social sculptures.*

In 2018, he designed a perennial installation as part of a 1% artistic grant for the IUT C in Roubaix, comprising 3 films Chronique d'un automne, les formes du travail, somewhere between documentary, fiction and performance. For this project, he worked with students, teachers and staff at the IUT. The piece questions the relationship to work in a region marked by one of the first economic and industrial collapses.

In 2023, he has just completed a polymorphous work l'assemblée, lexique lacunaire pour maintenant as part of a 1% artistic project at Nancy's Niki de Saint Phalle secondary school, where he engaged in a two-year dialogue with teenagers and students from the Artem Campus (École des Mines, ICN business School and École supérieure d'art et de design).

This work is composed of different layers, including the creation of a typography, a system of signs developed with the students, and the production of a book to re-name the world The lacunar lexicon for now in light of the end of modernity and the interdependencies we've forgotten.

He lectures gives workshops at various schools in France and abroad (Rietvelt Academie _ Amsterdam, ENSBA/Paris, ENSBA- Dijon, Uarts _ Philadelphia, Ensa Nantes, ENSAD Nancy, etc).

He is associated with the Exerce / CCN de Montpellier master's program in dance and performance, notably on a research project he has set up , L'édition comme acte performatif.

Jocelyn Cottencin regularly presents his work in France and abroad. In recent years, his projects have been shown at the Centre Pompidou / Paris, Grand Café / Saint Nazaire, Palais de Tokyo / Paris, Centre Pompidou / Malaga, Mana Chicago, Mana Jersey City, Kanal / Brussels, Uarts / Philadelphia, Frac Bretagne, Carré d'art de Nîmes, etc.

PROVOQUER DES FRICTIONS

TEXTE DE STÉPHANE BOUQUET 
POUR FESTIVAL NEWSETTINGS, 2016

À l’école nationale supérieure des Arts décoratifs, Jocelyn Cottencin hésitait : un pied dans le graphisme et un autre dans le design. Cette indécision n’était pas (ou pas seulement) incertitude de jeunesse mais le signe qu’il aimait déjà beaucoup, sans peut-être encore le savoir, se tenir à la frontière. Une pièce récente comme Monumental, travaillant à cheval entre installation, architecture, vidéo et danse, n’a rien perdu de cette précieuse ambiguïté. C’est que Jocelyn Cottencin cherche avant tout à mettre en circulation des formes non immédiatement identifiées ou repérées ou majoritaires. Inventer des formes instables et insituables qui n’appartiennent pas à un seul code mais se tiennent à l’intersection de plusieurs logiques permet d’ouvrir l’horizon : plutôt que de créer des objets clos, qui ont leur sens en eux-mêmes, les pièces de Cottencin tentent de modifier les perceptions des spectateurs et de déplacer leurs attentes. 

De Monumental, par exemple, il serait sans doute possible de dire que c’est une performance mais si on choisit de la présenter sur scène comme si c’était un spectacle, ce qui fut parfois le cas, ce « comme si » va changer bien des choses. Parce que l’image qui se dégage de Monumental, comme de beaucoup des créations de Jocelyn Cottencin n’est pas définitive. Elle est, au contraire, irrésolue, toujours active, toujours mouvante. Le journal d’anticipation qu’il a créé, et dessiné, le temps de la Biennale de Rennes, en 2010, commençait le 19 juillet 2010 et s’achevait le 20 août 2060 : façon de dire qu’une œuvre n’est pas une coupe instantanée mais toujours, aussi, une expérience de la durée.

Quand il crée des scénographies, ce qu’il a fait assez souvent pour le chorégraphe Loïc Touzé notamment, Cottencin ne cherche pas, de la même façon, à aboutir à un joli espace mais à un espace mobile. Pas au sens où la scène serait envahie d’objets modulaires, que les danseurs déplaceraient à leur guise, mais au sens où elle devient un lieu sensible à la lumière, à l’environnement et à la durée.
Avant de trouver la couleur qu’il cherchait pour recouvrir les praticables de la pièce Love, par exemple, Cottencin a fait plusieurs essais. Il voulait une couleur qui amplifient les gestes des danseurs mais sans les fixer, une couleur qui ôte de la densité et ajoute un léger bougé, une sorte de flou volontaire.
D’où la décision de faire flotter les corps dans un monochrome bleu vert étrange et profond.

On tient là peut-être l’axe crucial du travail de Jocelyn Cottencin. D’abord faire apparaître les choses, mais pas pour s’arrêter à leur surface. 

Il cherche, au contraire, à créer des mécaniques d’association pour rendre visible ce qui se cache derrière l’image.
C’est-à-dire ? Eh bien, poser une image quelque part et voir comment elle va se frotter au dehors, se modifier au contact de l’environnement. 

Il ne s’agit donc pas de voir l’image, de rester à la surface tranquille et cadrée des signes, mais d’éprouver et de sentir pour ainsi dire organiquement comment l’image nous projette ou nous connecte à l’environnement.

C’est peut-être la raison pour laquelle Jocelyn Cottencin revendique hautement son affinité avec les arts appliqués que sont le design ou le graphisme. Les arts appliqués, un pied dans l’industrie un pied dans l’esthétique, objets à la frontière à nouveau, sont à la fois plus modestes et plus larges. Ils agissent comme un cheval de Troie. Personne ne se méfie trop d’une affiche et pourtant elle met en circulation dans l’espace public des images qui peuvent réellement devenir autre chose que de purs produits fonctionnels. 

Mais à quoi l’image devrait-elle nous ouvrir ? Il n’y a sans doute pas de réponse unique. Ce serait contraire au goût de Cottencin pour l’indéfini ou le mouvant. Mais on peut néanmoins désigner un horizon : le rythme organique des choses. En filmant les arbres, les nuages et les eaux qui parsèment le film / installation / performance, encore un objet hybride, A Taxi Driver, an Architect and the High Line, filmé réalisé avec Emmanuelle Huynh, Cottencin avait le cinéaste russe Tarkovski en mémoire et sa passion de laisser le temps aux choses et aux plans. Au fond, pour lui, le monde n’est pas là autour de nous, à portée de main ou de regard : il faut au contraire provoquer les frictions, les interactions, qui le laissent monter, le laissent venir à nous.

 

 

PROVOKE FRICTION

TEXT BY STÉPHANE BOUQUET
FOR FESTIVAL NEWSETTINGS, 2016

At the École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, Jocelyn Cottencin hesitated: one foot in graphic design and the other in design. This indecision was not (or not only) a youthful uncertainty, but a sign that, perhaps without yet realizing it, he was already very fond of standing on the border. A recent piece like Monumental, straddling installation, architecture, video and dance, has lost none of this precious ambiguity. Jocelyn Cottencin's main aim is to put into circulation forms that are not immediately identified, identified or in the majority. Inventing unstable, unstable forms that don't belong to a single code, but stand at the intersection of several logics, opens up horizons: rather than creating closed objects that make sense in themselves, Cottencin's pieces attempt to alter spectators' perceptions and shift their expectations.

Of Monumental, for example, it would probably be possible to say that it was a performance, but if we choose to present it on stage as if it were a show, as has sometimes been the case, this “as if” will change many things. Because the image that emerges from Monumental, as from many of Jocelyn Cottencin's creations, is not definitive. On the contrary, it is irresolute, always active, always moving. The anticipation diary he created and drew for the Rennes Biennial in 2010 began on July 19, 2010 and ended on August 20, 2060: a way of saying that a work is not an instantaneous cut, but always an experience of duration.

When Cottencin creates set designs, as he has often done for choreographer Loïc Touzé in particular, his aim is not to create a pretty space, but a mobile one. Not in the sense that the stage would be invaded by modular objects, which the dancers would move around as they please, but in the sense that it becomes a place sensitive to light, environment and duration.

Before finding the color he was looking for to cover the risers in Love, for example, Cottencin made several tests. He wanted a color that would amplify the dancers' gestures but not fix them, a color that would take away density and add a slight motion, a kind of deliberate blur.

This is perhaps the crucial axis of Jocelyn Cottencin's work. First of all, to make things appear, but not to stop at their surface. On the contrary, he seeks to create mechanisms of association to make visible what lies behind the image.
In other words? Well, to put an image somewhere and see how it rubs against the outside world, how it changes when it comes into contact with the environment.
So it's not a question of seeing the image, of remaining on the quiet, framed surface of signs, but of experiencing and feeling, as it were organically, how the image projects or connects us to the environment.
Perhaps this is why Jocelyn Cottencin is so proud of her affinity with the applied arts, such as design and graphic design. The applied arts, one foot in industry one foot in aesthetics, objects on the border once again, are both more modest and broader. They act as a Trojan horse. No one is too wary of a poster, and yet it puts into circulation in the public space images that can really become something other than purely functional products.

But what should the image open us up to? There's probably no single answer. That would be contrary to Cottencin's taste for the indefinite or the moving. But we can nevertheless point to a horizon: the organic rhythm of things. In filming the trees, clouds and water that dot the film/installation/performance, yet another hybrid object, A Taxi Driver, an Architect and the High Line, filmed with Emmanuelle Huynh, Cottencin was reminded of the Russian filmmaker Tarkovsky and his passion for giving things and shots time. For him, the world is not all around us, at our fingertips or in our gaze: on the contrary, we need to provoke the friction and interaction that let it rise, let it come to us.