Jocelyn Cottencin

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Est-il possible d'écrire sur une œuvre dont le principe de création est de développer un devenir permanent, c'est-à-dire une forme suffisamment ouverte pour autoriser les porosités, les rencontres et les collaborations, mais aussi la flânerie solitaire, le détournement et le contournement, les extensions comme les suspensions, les accélérations et les pauses, les proliférations comme les cristallisations ?

Ecrire à un endroit où l'œuvre n'est déjà plus. Abandonner la prétention à cerner une production artistique qui n'a de raison d'être que dans la fluidité et la mutation.
Les images produites par Jocelyn Cottencin représentent non pas ce qu'elles montrent mais ce qui est déjà hors-champ. D'autres se distendent dans une pause suspensive jusqu'à la perte narrative d'une réalité qu'elles sont sensées représenter. 
Les œuvres de l'artiste travaillent aussi l'écriture où les lettres s'agglomèrent, non pas pour formuler graphiquement ou signifier uniquement, mais pour fabriquer un plan de consistance fait d'embranchements, de ruptures, sinuosités, agglutinations, stratifications, délitements...

 


Au regard de l'œuvre de Jocelyn Cottencin, il nous faut alors accueillir l'écriture comme l'acte du « laisser partir » où les mots produiraient d'autres flux venant à certains moments croiser et résonner avec le travail.
Car il faut bien le reconnaître : le graphisme et l'œuvre visuelle chez Jocelyn Cottencin questionnent les lieux du pouvoir. Perdre le pouvoir pour pouvoir : faire, déplacer, traverser, construire... Et c'est à cet endroit que nous entrevoyons le véritable enjeu politique d'une esthétique du devenir. Le « lâcher prise » manifeste le refus d'une forme achevée de l'image et de l'écriture, en même temps qu'elle résiste à toute délimitation et prise de territoire. Cette esthétique du devenir est une praxis artistique et politique. Paradoxalement, l'œuvre en devenir n'a rien à voir avec l'influence d'une chose sur une autre, ou avec la perméabilité au tout et au n'importe quoi. Elle nécessite une prise en charge pleine et entière de la transformation permanente. Elle exige une vigilance extrême aux événements. Elle est un acte d'engagement en elle-même. Acte discret, modeste, parfois invisible, mais combien subtile, efficace et résistant lorsqu'il est assumé dans cette disponibilité radicale à l'ailleurs.
Non pas que l'œuvre serait trop absorbante et influençable jusqu'à s'oublier dans une dilution extrême de l'extériorité. Bien au contraire. Jocelyn Cottencin a ainsi conçu un projet artistique baptisé Just A Walk dont l'enjeu central est de se tenir volontairement sur le fil d'une négociation constante entre la traversée d'événements réels et leur extension vers des espaces autres. C'est une forme ouverte par sa générosité d'accueil, mais aussi une forme éminemment résistante par sa capacité d'infiltration, de retournement des contraintes et des possibles. 
L'exposition à l'épreuve de la diffusion
La diffusion pointe l'extériorité et la propulsion vers... Mais plutôt qu'une exposition, elle indique une imprégnation discrète des espaces et des territoires. Autrement dit, la diffusion brouille les désignations, présentations, indexations, démonstrations et délimitations.
Dans l'espace de La Criée, le projet Just A Walk se déploie selon un dispositif particulier de visibilité. En effet, Jocelyn Cottencin a conçu un accrochage qui résiste très efficacement au concept d'exposition d'une spatialité ostentatoire, séduisante et spectaculaire. 
Le lieu est avant tout un agencement de sources diffuses : émissions lumineuses et zones sombres, évocations ou transmissions sonores, silences, association d'images photographiques avec de larges trouées d'espace vide, ou encore écoulement très lent d'un seul flux vidéographique, écriture sur le mur d'exposition laissant affleurer - presque par effacement - une masse de mots faisant paysage, ou au contraire fabrication d'une sculpture irradiante de mots au néon engageant autant sa massification que sa dissémination en puissance.
L'ensemble de ces œuvres constituent un environnement paradoxal, c'est-à-dire un bloc tout à la fois unitaire et fragmenté, feuilleté, dispersé. 
L'autre caractéristique de l'exposition Just A Walk est qu'elle ne propose pas tant un espace immersif que l'expérience d'extensions temporelles où les vitesses de présentation des images varient considérablement d'une œuvre à une autre, où les strates de matières visuelles, sonores, textuelles s'agglomèrent pour mieux se distendre. 
Le visiteur déambule ainsi en opérant les bascules d'une œuvre à une autre, ou encore en acceptant de se "pauser" devant une œuvre. Mais plus fondamentalement, la déambulation du visiteur s'apparente à la flânerie dans ce qu'elle a pour enjeu une curiosité aux failles et aux interstices de l'exposition, c'est-à-dire à ce qui se joue non pas face à l'image, mais dans ce qui se trame en ses marges, entre, ailleurs et hors-champ. 
Just A Walk est en quelque sorte une proposition artistique qui invite à une expérience de l'aveuglement plutôt que de la clairvoyance. Aveuglement au sens où l'artiste refuse la pratique d'exposition comme démonstration visuelle et explication de texte. Aveuglement car certaines œuvres abandonnent leur statut exclusif d'objet visuel pour produire des extensions multi-sensorielles. Aveuglement enfin parce que, après les avoir vues, les œuvres ont un fort pouvoir de rémanence et génèrent donc chez le spectateur la construction d'autres images mentales.La diffusion est aussi affaire de chevauchements : ça déborde là où on s'y attend le moins. 
Ainsi, l'œuvre Paysage (2007), large caisson lumineux solidement ancré dans le sol de la galerie, éclaire la photographie d'un plateau d'Ecosse, vaste étendue aride balayée par le vent et les nuages. Mais ce n'est pas tout. La lumière qui se diffuse du caisson photographique irradie discrètement vers une masse flottant sur une des parois du centre d'art : il s'agit d'un dessin mural réalisé par l'artiste au graphite, dessin esquissant un bloc en cours de formation, suggérant un mouvement, une modulation, un surgissement ou au contraire un effacement. De cette masse affleure l'inscription suivante : Alors, il y a cette île. 
D'où cet autre constat de débordement : le dessin échappe à sa propre condition de disegno c'est-à-dire à la tentative d'une représentation parfaite et idéale de la réalité. En premier lieu, le dessin n'est pas une ligne mais une masse informe. Ensuite, lorsque le dessin devient tracé, il le devient dans sa seule condition d'écriture. Ce tracé en écriture porte en lui-même un autre paradoxe : il acquiert une dimension graphique non pas simplement pour faire signe, décrire et faire sens, mais plutôt pour visualiser l'amorce d'une dissémination de la lettre et de l'image. En effet, la typographie « racine » conçue par Jocelyn Cottencin engage l'œuvre dans un processus de prolifération et de transformation. Le dessin, le graphisme et l'écriture se ramassent donc dans la qualité matérielle de l'informe et dans l'acte performatif d'énonciation plutôt que dans celui de la description ou de l'explication. Ou comment visualiser l'en-deçà de l'écriture et de la représentation visuelle. 
L'énoncé lui-même, « Alors, il y a cette île », n'a rien d'un récit explicite : à l'inverse d'une indication exotique, il rend sensible un ailleurs, une insularité directement inscrite dans le bâtiment du centre d'art et au cœur de la construction subjective du visiteur. L'ailleurs ça a lieu ici-là : souci de soi et fabrique de l'art. Avec la proposition de Jocelyn Cottencin, c'est la notion de territorialité possédée et définie qui s'effondre au profit des qualités propres à l'insularité qui sont celles de la dérive bénéfique, de l'ouverture à l'étrangeté, du passage entre des espaces forcément contradictoires. 
Faire image... sans faire
Intérieur (2007) est une œuvre vidéo qui possède la qualité rare de toucher la possible fabrique d'une image au-delà d'une maîtrise intentionnelle de conception et de composition de la forme. Le film dévoile sur une durée de dix minutes un paysage maritime et insulaire en formation. La valeur artistique d'Intérieur n'est pourtant pas à trouver dans une représentation de paysage mais dans une disponibilité au déplacement qui autorise la formation d'espaces multiples. Intérieur fait ainsi œuvre en laissant advenir l'image avec ses strates, ses opacités et ses transformations inattendues...
La caméra est postée à l'intérieur d'un bateau qui rejoint une des nombreuses îles d'Ecosse. Elle demeure fixe, derrière la paroi vitrée de l'embarcation sur laquelle ruissellent les gouttes d'une pluie plus ou moins dense selon l'écoulement temporel de la traversée. L'artiste enregistre de l'intérieur du bateau mais tout se déroule déjà hors bord, dans une stratification impressionnante de l'image. Premier pelliculage : l'objectif de la caméra vidéo est doublé en opacité par la vitre du bateau, vitre elle-même troublée par les gouttes de pluie. Second pelliculage : la mer est moins une ligne d'horizon qu'une matière en transformation, parfois épaisse et compacte, parfois fluide, traversée de frissonnements et d'ondulations. Troisième pelliculage : le brouillard occulte et dévoile sur certaines durées l'île en arrière-plan, fusionne par moments avec l'océan et, dans tous les cas, empêche toute représentation contrôlée du paysage... Une masse à perte de vue... Quatrième pelliculage : alors il y a cette île, qui émerge très lentement du fond de l'image pour ensuite se dissoudre dans la brume et se redessiner enfin... Une île qui semble hors d'atteinte de la vue et en même temps à portée de main...
Il va de soi que ces pelliculages se condensent, se chevauchent et se distendent à l'intérieur d'une seule et même image mouvante. Cette forme en devenir déplace le paysage vers une étendue hétérogène et paradoxale : le lieu existe dans son déplacement même... 
Intérieur est une œuvre qui trouve une mise en regard pertinente avec la belle pensée de Michel Foucault lorsque ce dernier use de la métaphore du bateau pour évoquer l'hétérotopie :
« Le bateau c'est un morceau flottant d'espace, un lieu sans lieu, qui vit par lui-même, qui est fermé sur soi et qui est livré en même temps à l'infini de la mer et qui, de port en port, de bordée en bordée, de maison close en maison close, va jusqu'aux colonies chercher ce qu'elles recèlent de plus précieux en leurs jardins, vous comprenez pourquoi le bateau a été pour notre civilisation, depuis le XVIe siècle jusqu'à nos jours, à la fois non seulement, bien sûr, le plus grand instrument de développement économique (ce n'est pas de cela que je parle aujourd'hui), mais la plus grande réserve d'imagination. Le navire, c'est l'hétérotopie par excellence. Dans les civilisations sans bateaux, les rêves se tarissent, l'espionnage y remplace l'aventure, et la police, les corsaires ».
Intérieur est une œuvre qui transborde la territorialité. Le bateau, s'il est étrangement absent de la vidéo, est pourtant celui qui procède à la fabrique l'image. Mais le bateau c'est aussi soi-même, une collectivité, ou encore un lieu d'art, un artiste, un visiteur. Le véritable tour de force d'Intérieur est de localiser les enjeux du territoire à l'opposé de la possession d'espace et de la démonstration de force. Œuvre discrète, son efficacité tient dans sa capacité d'infiltration et d'ouverture.Le transbordement de la territorialité chez Jocelyn Cottencin n'est pas simplement acté et visualisé dans l'espace d'exposition. Ce dernier est un des espaces parmi d'autres - panneau d'affichage, mur, bâtiment public, site internet, revue, livre... - qui sont investis pour traverser et prendre en charge les lieux du pouvoir. L'enjeu artistique de la territorialité aujourd'hui n'est plus de se positionner dans un rapport binaire de l'espace du dedans ou du dehors. La friction dichotomique in/out avait sa pertinence dans les années 1960, et encore... L'art de la critique institutionnelle avait commencé à brouiller efficacement les pistes, notamment dans les écrits et inserts de magazines de Dan Graham, ou encore avec les altérations architectoniques de Michael Asher. Le réel défi aujourd'hui est d'infiltrer des lieux du pouvoir qui sont parfois très difficiles à discerner tant ils ne sont plus sous le contrôle d'une autorité identifiable et exclusive. De fait, plutôt que de prétendre détenir l'espace ou de s'y opposer à tout prix, il est plus pertinent de s'immiscer dans des fragments d'espaces afin d'y infiltrer une part de rêve, un questionnement, un soulèvement critique discret mais prégnant.
Spécificité du site et après...
Jocelyn Cottencin a conçu en 2003 une typographie, la floréale, qui a pour particularité de faire proliférer un motif végétal dont certaines trouées laissent apparaître en réserve le lettrage. Cette typographie a été utilisée pour créer l'oeuvre La consommation d'oxygène est différente d'un individu à l'autre (2004) : œuvre graphique, la déclaration ou le statement trouve sa pertinence dans ses déclinaisons multiples au moyen de divers matériaux (craie, adhésif, affiche), sur des supports variés (cimaises d'exposition, murs d'espaces publics, panneaux publicitaires) et dans différents lieux (galerie, rue, école...). Légère dans sa matérialité, elle mise toutefois sur un fort pouvoir de déplacement des usages de l'espace et des territoires. 
La première occurrence eut lieu lors d'une exposition monographique réalisée par le Frac Bretagne en 2004 à la galerie du TNB : La consommation d'oxygène est différente d'un individu à l'autre se déployait à partir d'adhésifs dorés collés sur le mur blanc de la galerie. Elle était la première œuvre qui accueillait le visiteur dans l'exposition, non pas de manière frontale mais pour ainsi dire en coin d'œil : la phrase qui se déployait sur le mur latéral accompagnait l'entrée du visiteur dans l'espace d'exposition ; d'autre part, avec cette déclaration particulière, le mur ne faisait plus uniquement office de paroi de séparation mais plutôt d'interface ou d'embrayeur de passages entre le cœur du bâtiment à vocation culturelle, la vaste façade vitrée offrant une vision panoramique sur l'activité urbaine du dehors et l'exposition composée d'œuvres de l'artiste ayant à voir avec le déplacement, la pause, l'expérience corporelle collective, la flânerie. La consommation d'oxygène est différente d'un individu à l'autre pouvait ainsi être appropriée par le visiteur comme un basculement poétique vers des espaces en creux, à la manière du lettrage inscrit en réserve, zones de flottement et d'indécision. L'œuvre avait également cette capacité d'objet auto-critique vis-à-vis des conditions de visibilité du travail dans un espace donné, en même temps qu'elle offrait la possible expérience d'un espace mental. 
La seconde occurrence se produisit la même année 2004, lorsque Nathalie Travers, dans le cadre du projet curatorial Allotopie, invita plusieurs artistes à intervenir dans l'espace public. Jocelyn Cottencin proposa d'inscrire son statement à la craie blanche sur un mur porteur d'un pont de voie ferrée et planté à un vaste carrefour de circulation automobile et piétonnière. Dans le paysage de la ville, la voie ferrée et ce passage sous le pont constituent des éléments architectoniques et symboliques forts dans l'usage collectif de l'espace urbain de Rennes : ils opèrent la distinction nord-sud de la ville, la bascule du centre commerçant vers un quartier d'habitations en lente transformation. Il y a aussi un frottement imaginaire de noms entre la ville de Rennes et la celle de Nantes - ce lieu public étant baptisé du nom de "Pont de Nantes". Anonyme et quelque peu froid, cet espace public est toutefois toujours investi d'une intense activité humaine qui privilégie la circulation massive des voitures, des trains et des piétons. Personne ne s'y attarde si ce n'est les automobilistes bloqués dans des files d'embouteillage, ainsi que les piétons qui transitent du centre ville à ce quartier mixte d'habitations des années 1930, de bars et de rares petits commerces. 
Le mur que Jocelyn Cottencin choisit d'investir sous ce pont de Nantes était jusque-là saturé de graffitis et d'affiches collées à la sauvage pour annoncer des concerts ou interpeller le passant de slogans politiques. Le recouvrement de cette paroi d'images et de textes s'effectuait à un rythme rapide et concurrentiel, l'information devant être percutante et le visuel souvent provocateur pour espérer subsister quelques jours. Puis arriva cette écriture graphique réalisée à la craie, inscription fragile car soumise à son possible effacement naturel ou délibéré. Fragile aussi car elle prenait volontairement le risque d'être recouverte des futures strates de mots et d'images. Il n'en fut rien... pendant deux années et demi. L'œuvre se déployait sur une large surface du mur mais, paradoxalement, elle se voulait discrète, comme un bruissement de mots et de feuillages, ou encore un nuage blanc. Elle avait aussi comme autre pouvoir de fragilité, de révéler à nouveau le mur dans sa nudité et sa matérialité même, recomposant un endroit de respiration là où tout n'était que saturation, recouvrement et succession effrénée. Du moment où le statement a été posé, aucun autre graphique ne vint perturber cet espace jusqu'au printemps 2007. Une forme tacite de respect, non pas tant de l'œuvre, que de l'espace social devenait soudainement possible, comme si l'œuvre de Jocelyn Cottencin reconnaissait la portée fonctionnelle et imaginaire de cet espace, et qu'en retour les usagers de cet espace entreprenait de le traverser comme tel. L'œuvre fut endommagée au printemps 2007, lors de la campagne présidentielle, un slogan politique venant recouvrir en partie le graphique. La violence de ce slogan conduisit Jocelyn Cottencin à décider de l' ;effacement et du retrait de l'œuvre. L'œuvre puise sa résistance dans son pouvoir à tenir du lien, et non dans une quelconque réaction nihiliste. 
La consommation d'oxygène est différente d'un individu à l'autre est une œuvre qui propose une double posture critique. La première est de rendre caduque la prétention idéaliste de l'art à promouvoir dans l'espace public une pérennité méta-temporelle et sacralisée de l'œuvre ou du monument : l'œuvre de Cottencin s'inscrit dans une spécificité de site, une temporalité quotidienne et un usage social des espaces. Ce qui ne l'empêche pas d'opérer des interstices d'imaginaire et de produire une poétique de l'étendue et de la distension temporelle. La seconde posture de résistance, et là est peut-être la grande différence avec l'art des années 1970, est de résister à une utopie inverse, c'est-à-dire de croire qu'une œuvre d'art qui prendrait en charge la spécificité d'un site serait capable de révéler entièrement les frictions sociales, les aléas politiques du moment, de les dénoncer, voire de les résoudre. Un tel art prendrait le risque d'être tout aussi dogmatique et utopique que celle de l'idéalisme, mettant du coup l'œuvre au service des idéologies. La grande force de l'œuvre de Cottencin est alors de considérer la spécificité du site à partir de ses usages quotidiens et de ses détournements idéologiques, et dans le même temps d'impulser une autonomie de négociation et d'exploitation des espaces par les usagers eux-mêmes. La reconnaissance d'une telle autonomie du regard et de construction des espaces rend alors possible l'accès au territoire dans ses potentialités autant esthétiques que politiques. 
Si les visuels et slogans habituellement étalés sur ce mur génèrent un brouhaha publicitaire, contestataire et dénonciateur vis-à-vis de systèmes idéologiques, l'œuvre de Cottencin pointe silencieusement que le contrôle et la résistance se jouent désormais là-même où la parole s'énonce, dans le plus insignifiant de nos usages des espaces et des modes de communication. Comme l'observe parfaitement Gilles Deleuze, 
« Nous entrons dans des sociétés de contrôle, qui fonctionnent non plus par enfermement, mais par contrôle continu et communication instantanée (...) Peut-être la parole, la communication sont-elles pourries. Elles sont entièrement pénétrées par l'argent : non par accident mais par nature. Il faut un détournement de la parole. Créer a toujours été autre chose que communiquer (...) Croire au monde, c'est ce qui nous manque le plus ; nous avons tout à fait perdu le monde, on nous en a dépossédé. Croire au monde, c'est aussi bien susciter des événements mêmes petits qui échappent au contrôle, ou faire naître de nouveaux espaces-temps, même de surface ou de volume réduits. C'est ce que vous appelez pietàs. C'est au niveau de chaque tentative que se jugent la capacité de résistance ou au contraire la soumission à un contrôle. Il faut à la fois création et peuple. »
L'œuvre de Jocelyn Cottencin « croit au monde » et a ce pouvoir d'embrasser des territoires pour faire émerger des espaces-temps ouverts à la transformation et à la création. Just A Walk est en ce sens un projet dense et complexe car il manifeste autant une humilité de relations aux gens et aux territoires qu'une très forte exigence de vigilance politique.
Just A Walk  : déplacements, énergies, collaborations, agencements, proliférations
En 2005, La Criée centre d'art contemporain de Rennes invita Jocelyn Cottencin à concevoir et réaliser sur deux années un projet qui soit dans une disponibilité de circulation mais aussi dans une posture de questionnement sur le territoire de l'Europe occidentale, notamment à partir du réseau des villes européennes de l'arc atlantique comme Glasgow, Rennes, San Sebastian, Bilbao, Porto, Lisbonne. 
L'artiste répondit à cette sollicitation avec Just A Walk, un projet qui est à l'exact opposé d'une prétention à marquer ou à définir les territoires de l'art et ceux de l'Europe. Il engagea d'emblée l'activation d'un double processus de recherche et de création. Le premier consista à impulser une énergie de travail en solitaire et avec d'autres artistes européens, énergie qui pouvait se décliner en un site internet s'augmentant au fur et à mesure des propositions artistiques des uns et des autres, des sessions de recherche menées à Rennes, des rencontres réalisées lors de résidences dans les villes européennes citées ci-dessus, ainsi que de documents d'entretiens et d'un journal du critique d'art Jean-Marc Huitorel. L'ensemble constitue aujourd'hui un agrégat protéiforme porteur de sa transformation en puissance. Il esquisse une territorialité mouvante où la topographie européenne se décline non pas à partir d'identités culturelles fixes et globalisantes, mais selon des croisements de points de vue singuliers qui questionnent nos constructions collectives, imaginaires et identitaires.
Just A Walk rassemble ainsi des propositions artistiques diverses telles que Vocabulario, œuvre de collaboration entre le chorégraphe lisboète Tiago Guedes et Jocelyn Cottencin, ayant pour enjeu la fabrique de topo-graphies à partir du corps et de la lettre. La caméra filme en plongée le chorégraphe actif dans l'énoncé performatif d'un alphabet au moyen de son corps et de vêtements. Exposé sur une série de moniteurs, ces lettrages incarnés produisent une formation-déformation continue des signes. En effet, ceux-ci semblent totalement autonomes les uns des autres, tout en étant intimement liées les uns aux autres. D'autre part, leur visualisation n'atteint jamais la cristallisation d'un mot où prévaudrait la transparence du sens. Il s'agit plutôt d'un mouvement incessant par effets de vagues qui tente l'énoncé de la lettre et du mot, sa signifiance et sa disparition inévitable. La parole nous échappe toujours. Le corps, dans son mouvement et son énergie, est inévitablement rétif au contrôle. L'espace est ce qu'il advient dans son usage et sa nécessaire projection mentale. Vocabulario visualise en corps et en lettres combien l'exploration du territoire ne prend pas sens dans l'occupation d'un espace mais plutôt à l'endroit où se manifestent les échappées, glissements, liens et possibles délitements. 
Il y a aussi les vidéos et photographies de Marcel Dinahet, œuvres forces d'un entêtant enregistrement des endroits qui font passage ou séparation entre les pays et les gens. Les ponts, par exemple, sont des architectures manifestes d'une territorialité européenne qui posent la question du lien et de l'exclusion. Investis d'une intense circulation humaine, les ponts situés aux frontières de pays comme la France et l'Espagne sont des endroits de bascules où s'actent les histoires individuelles et collectives. La manière brute dont Marcel Dinahet filme les trajectoires ininterrompues de corps et d'automobiles, construisent et sculptent même une matérialité de l'espace tout ménageant sans cesse des percées vers une altérité et une étrangeté. L'artiste a également réalisé de magnifiques vidéos du littoral européen, notamment de jetées maritimes sur lesquelles déferlent en continu des vagues, laissant apparaître ça et là des points de présence humaine. Ces vidéos des bords de mer sont loin de se réduire à des paysages romantiques. Elles rendent particulièrement sensible en quoi l'Europe du littoral, cet Arc Atlantique bute et ouvre sur ce qui n'est plus de l'ordre de la frontière mais sur une vaste étendue maritime qui génère bien des soulèvements imaginaires, des espaces politiques liés par exemple aux migrations entre l'Afrique et l'Europe, ou encore des plongées vers d'autres territoires fantasmés. 
Just a Walk c'est aussi des centaines d'images accumulées par Jocelyn Cottencin au gré de ses déplacements sur le littoral atlantique européen. Comme l'indique le titre du projet, marcher tout simplement c'est expérimenter des trajectoires inconnues à l'opposé du circuit linéaire, peut-être pour mieux accueillir des rencontres inattendues et constructives. C'est aussi accepter d'abandonner des habitudes de circulation, des rituels de travail qui circonscrivent parfois des espaces aux frontières trop contraignantes. 
Ce qui resurgit alors des photographies ou vidéos issues de ces marches, ce sont des images juste décalées, c'est-à-dire des images qui sont sensées documenter un lieu mais qui contiennent tout autre chose. La disponibilité de l'artiste aux événements extérieurs ne suffit pas à créer de la belle matière documentaire ou fictionnelle. Derrière des situations concrètes banales - un visage endormi, un pas suspendu, un groupe de personnes errant sur le sable - il y a du flottement et de la suspension qui retournent la réalité contre elle-même au profit d'une poétique des espaces en devenir. Derrière la lenteur d'un mouvement, autour de la rondeur d'une forme, sourd une posture critique qui résiste à toute forme de séduction facile, ainsi qu'à toute prétention de vérité et de pouvoir autoritaire. Au regard des œuvres de Jocelyn Cottencin, il serait vain de désigner des lieux, tracer des géographies, cerner des parcours... Ce qui est au cœur du processus de création, c'est l'abandon d'une maîtrise du regard au profit d'une tentative forcenée de former des images renfermant déjà un ailleurs que ce qu'elle donne à voir. Là est la réelle prise de risque artistique.Et si le territoire n'était finalement qu'une histoire de croyance, une utopie nécessaire ?
Le désir de circulation généré par le projet Just a Walk ne relève pas d'un désir de rencontrer l'autre pour définir un territoire idéal et uniforme. Just a Walk est un projet où la friction, la différence et la contradiction ont leur place. Provoquer la rencontre et l'ouverture est un réel engagement personnel et politique envers et avec l'autre. C'est prendre le risque de la tension et de la rupture mais aussi celui de la construction et du possible.

 

 
Michel Foucault, « Des espaces autres » (1984) in Dits et écrits, vol.IV, Paris : nrf/Gallimard, 1994, p.762.
rGilles Deleuze, Pourparlers, Paris : Minuit, 1990, p.236, 238, 239.

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Is it possible to write about an œuvre whose creative principle is to the development of a constant state of becoming? A form that is sufficiently open as to allow for permeability, encounters and collaborations - but also for solitary strolling, backtracking and bypassing, extension and suspension, acceleration and pause - both reproduction and that crystallization? 

To write about a place where a body of works no longer exists? To abandon the claim that one can delimit an artistic production, whose only raison d’être is a state of fluidity and mutation? 

Jocelyn Cottencin’s images represent not what they show, but that which is already outside the field of vision. Still others slacken in a pendulous pause, to the point that there is a narrative breakdown of the reality they supposedly represent. 

The artist’s works also employ writing where letters mass together, not simply for graphic signification, but in order to produce a plane of consistency composed of joints, ruptures, clumps, splits, twists, etc.

When reflecting on the work of Jocelyn Cottencin, we must consider writing as an act of «letting go», where the words go on to produce others, flux that at certain moments resonates with the work.

Jocelyn Cottencin’s graphic work and visual œuvre call into question the sites of power. The act of relinquishing power for empowerment: the power to make, to displace, to cross, to construct. It is at this junction that we glimpse the true political dimension of an aesthetic of becoming. The «abandoning of control» embodies the refusal of the fixity of form, at the same time that it resists all limit setting and territoriality. This aesthetic of becoming is both a political and an artistic praxis. Paradoxically, an œuvre of becoming has nothing to do with the influence of one thing upon another, or with openness to everything and nothing. It demands a full and complete commitment to permanent transformation. It requires an extreme vigilance regarding events. It is an act of commitment in itself. A discrete, modest, at times invisible act—but infinitely subtle, effective and enduring when it is taken on in this spirit of radical receptivity regarding what is «elsewhere».

It is fairly rare to encounter contemporary artists who embark on such a sensitive undertaking, renewing their aesthetic and political base that stems from institutional critique, notably of post-minimalist and conceptual art of the 1970s. Jocelyn Cottencin’s work spans these foundational reference points while at the same time avoiding the type of dogma that can be found in many contemporary projects linked with this aesthetic heritage. These include installations that focus to the point of excess on a critique of space—such as the exhibition space, the social sphere, the public forum or simply that of the object. This may produce works that are brilliant in their formal presentation or technically seductive, but they are often empty and tinged with a tired cynicism with respect to social issues — a pseudo-poetics of space that, in the end, is very conservative and bourgeois. The works of Cottencin maintain their affinity with the 1970s critique of art, with substantial wariness regarding the way in which works of art are enunciated and received. They never assume control of space or of the gaze. There is always a fault line, something that breaks away, an escape route that interferes with each piece. This is without a doubt related to another 1960-1970 affiliation to art such as Jonas Mekas’s films or the experimental cinema of Stan Brakhage. These are works that find their aesthetic impact and their impressive political resistance in the frenetic workmanship of an impurity of image and text. For Jocelyn Cottencin, it is obviously not a question of repeating the formal processes and materials that are produced by ‘accident’, or the ‘chaos of the image’, but rather to set in motion that which fundamentally emerges from an attitude of displacement, an empathy with the living, in the manner that Jonas Mekas stated it: 

When one films with a Bolex, it is not held exactly at head-level, but a little bit lower, not exactly at the level of the heart, but a little bit higher...and when you rewind the spring, the camera is given an artificial life...One lives continuously in the Intérieur of the situation, in the temporal continuum, but you film by spurts, as long as the spring allows...one is always in the process of interrupting the reality that one is filming...and taking it up again...(...) 

 

The «displaced person», the exile as voyager. This exists, and is not an abstract concept. The «displaced person» is a reality of today. The level and complexities of contemporary societies give rise to «the displaced person.» (...) A displaced person doesn’t have a choice, has not chosen to leave his or her home. A displaced person has been thrown into the world and forced to travel.» 1  

 

Although the work of Jocelyn Cottencin is based on an approach of openings, modulation and transformation, it does not let itself be absorbed or influenced to the point of losing track of itself in an extreme dissolving in exteriority. Just the opposite. Its central axis is to intentionally maintain a constant negotiation between real events and their expansion towards other spaces. It is a form which becomes open because of the generosity of its welcome, but also by its thoroughly rugged form, with its capacity for infiltration, reversal of aesthetic constraints and possibilities.

This is the case with Just a Walk, a protean and rhizomic artistic work that is generated out of different working methods defined between 2005 and 2007. These include exploratory circuits and residencies ranging from the Scottish highlands to Glasgow, Rennes, San Sebastian, Bilbao, Porto and Lisbon, collective research sessions between artists and curators, as well as works conceived by artists as different as Carla Cruz, Jocelyn Cottencin, Marcel Dinahet and Tiago Guedes. There is also the creation and expansion of an internet site, the accumulation of photographic and video images, and the creation of word sculptures made out of neon or the human body, the contributions of spaces of reflection and exchange. Finally, the work includes journal entries by the art critic and curator Jean-Marc Huitorel, the creation of a solo exhibition at the Criée Contemporary Art Center, and the staging of choreographic piece by Tiago Guedes, with the revealing title of «Diverse Materials».

 

Diffusion process: challenging the exhibition

Diffusion points to exteriority and the ‘thrust towards’...but rather than an exhibit, it reflects a discrete impregnation of spaces and territories. In other words, dissemination scrambles presentations, indexing, proofs and definitions.

 

At La Criée, the Just a Walk project unfolds according to a specific system of visibility. Jocelyn Cottencin has designed a presentation that neatly resists the concept of an exhibition that is spatially ostentatious, seductive and spectacular.

The space is, above all, a zone of diffuse elements: luminous emissions and darkened areas, auditory evocations or transmissions, silences, the pairing of photographic images with large pockets of empty space, or the slow flow of a single video sequence. Writing on the exhibition walls allows words to drift to the surface—almost in a state of disintegration—words massing together to create a landscape; or conversely, the creation of a sculpture radiating neon words, imposing in its materiality as much as its powerful lexical dissemination.  

In their entirety, these works form a paradoxical environment, i.e. an ensemble that is at once cohesive and fragmented, multi-layered and dispersed.

The other characteristic of Just a Walk is that it offers not so much an immersive space as an experience of temporal extensions, where the speed at which the images are presented varies considerably from one work to the next, and in which the strata of visual, auditory and textual materials builds up only in order to dissipate.

The visitor thus negotiates the show by moving back and forth between works or by accepting to «pause» before a work. But more fundamentally, the visitor’s progress may be compared to that of a stroll whose goal is one of curiosity regarding the show’s fault lines and fissures, i.e. not that which takes place in front of the image, but that which is woven into its margins. That which is between, elsewhere, outside of the frame.

In a way; Just a Walk is an artistic work that offers an experience of blindness rather than clairvoyance. Blindness in the sense that the artist refuses the practice of an exhibition as a visual demonstration or textual analysis. Blindness because certain works relinquish their exclusive status as ‘visual object’ in order to produce multi-sensory expansions. Blindness, finally, because after they have been seen, the works have an impressive power of persistence of vision and generate in the viewer the construction of other mental images.

 

Diffusion process is also about overlapping — a spilling over where one least expects them. 

Thus, in the work Paysage (2007), a large luminous lightbox anchored to the gallery’s floor displays a photograph of a Scottish highland, a vast arid expanse swept by wind and clouds. But this is not all. The light that is emitted from the box radiates discretely in the direction of a floating mass on one of the inner walls of the art center. The mass is a mural drawing that has been rendered by the artist in graphite, a drawing sketching out a block in the process of formation, suggesting movement, modulation, a springing up, or, conversely, a fading away. Issued from this mass is the inscription, Alors, il y a cette île (Then there is this island).

Hence this other example of spilling over: the drawing escapes its own disegno condition, i.e. the attempt at a perfect or ideal representation of reality. At first, the drawing is not a line but a shapeless mass. Later, when the drawing takes form, it does so in its unique condition of writing. This writing carries in itself another paradox: it takes on a graphic dimension not only to signal itself, describe and make sense, but rather to display the beginning of the dissemination of a letter or image. In fact, the «root» typeface invented by Jocelyn Cottencin draws the work into a process of proliferation and transformation. Drawing, graphic elements and writing are gathered up in a material quality of «shapelessness» and in a performative act of enunciation, rather than one of description or explanation. Or, how to visualize what lies beneath writing and visual representation. 

The utterance itself, «Alors, il y a cette île» is in no way an explicit narrative: the opposite of an exotic dictum, it makes an «elsewhere» palpable—an insularity inscribed directly on the art center’s building—and at the heart of the visitor’s subjective construction. The «elsewhere» takes place here and now: in the uncertainty of self and the making of art. With Jocelyn Cottencin’s phrase, the notion of defined and possessed territoriality falls away, leaving insularity’s own properties—which are composed of a positive form of drifting, an openness to otherness, and the passage between inevitably contradictory spaces.

 

Making an Image, without making...

Intérieur (2007) is a video work that possesses the rare quality of reflecting an image’s potential creation, over and above the intentional mastery of conception or composition of form. Over a period of ten minutes, the film unfurls an image of a maritime landscape and an island coming into view. However, the artistic value of Intérieur is not to be found in the representation of a landscape, but the availability its shows towards a type of displacement, which allows for the formation of multiple spaces. Intérieur thus creates a work by allowing the image to come into being with its strata, its opacities and its unexpected transformations. 

The camera is mounted inside a boat heading for one of the many Scottish isles. Its position is fixed, behind the glass boarding partition, across which run raindrops of lesser and greater intensity, depending on the duration of the crossing. The artist records from the interior of the ship, but everything takes place off the ship, an impressive stratification of the image. First take: the opacity of the video camera lens is matched by the boat’s window, a window that is itself blurred by raindrops. Second take: the ocean is less of a horizon line than a material in the process of transformation—at times thick and compact, other times fluid, crossed with ripples and undulating waves. Third take: the fog hides and, over certain stretches, reveals the island in the background, at times merged with the ocean. But in all cases, it prevents any controlled representation of the landscape. A mass as far as the eye can see. Fourth take: then there is this island, that very slowly emerges from the underside of the image, only to then dissolve again in the fog and then to redraw its own outline—an island that seems beyond sight’s grasp but at the same time close at hand.

It goes without saying that the filming condenses, overlaps and slackens in the interior of a single fluid image. This form of becoming displaces the landscape, locating it in an heterogeneous and paradoxical duration: ‘place’ exists precisely in its displacement...

Intérieur is a work whose meaning is clarified by the apt thought of Michel Foucault when he employs the metaphor of a boat in order to discuss a heterotopia, i.e. the concept of other spaces:

“and if we think, after all, that the boat is a floating piece of space, a place without a place, that exists by itself, that is closed in on itself and at the same time is given over to the infinity of the sea and that, from port to port, from tack to tack, from brothel to brothel, it goes as far as the colonies in search of the most precious treasures they conceal in their gardens, you will understand why the boat has not only been for our civilization, from the sixteenth century until the present, the great instrument of economic development (I have not been speaking of that today), but has been simultaneously the greatest reserve of the imagination. The ship is the heterotopia par excellence. In civilizations without boats, dreams dry up, espionage takes the place of adventure, and the police take the place of pirates.” 2

 

Intérieur is a work that transfers territoriality. Although the ship itself is strangely absent from the video, it is nevertheless at the origin of the image’s creation. But the boat is also itself, a collective, or even a place of art, an artist, a visitor. The real accomplishment of Intérieur is its ability to identify the issue of territory, rather than that of the possession of space or a demonstration of force. It is discrete work, and its effectiveness lies in its ability to allow for infiltration and openness.

 

The transfer of territoriality in Jocelyn Cottencin’s work is not simply carried out and visualized in the exhibition spaces. Such a space is just one among many—which also include billboards, walls, public buildings, an Internet site, journals, books—that are also conscripted for the task of passing through and taking charge of sites of power. Today, the artistic issue of territoriality is no longer one of positioning oneself in a binary relationship to «in» and «out» spaces. The dichotomous friction between in/out was addressed in the 1960s, if then. Institutional critique had already begun to turn its back on it, particularly in the writings and magazine inserts of Dan Graham, or in the architectonic distortions of Michael Asher. The real challenge today is to infiltrate the sites of power that are at times very difficult to identify because they are no longer controlled by an identifiable and exclusive authority. In fact, rather than claiming to possess space, or to oppose it at all costs, it is more relevant to interfere with fragments of spaces in order to infiltrate them—with one part dream and one part questioning: a critical question-raising that is discrete but meaningful.

The specificity of a site and after...

In 2003 Jocelyn Cottencin created a typeface called Floreal. The particularity of this typeface is a proliferating plant motif, where certain holes reveal the appearance of lettering in the background. It was used to create a graphic work, La consommation d’oxygène est différente d’un individu à l’autre (The Consumption of Oxygen is Different from One Person to Another) (2004). The relevance of the piece’s statement may be found in its multiple declensions of diverse materials (chalk, tape, poster), various forms (exposition picture rails, public space walls and billboards) and different locations (galleries, streets, schools). Though its actual materiality is light, it exerts a powerful force of displacement in the context of the uses of space and territories.

The first installation took place during a monograph show mounted by Frac Bretagne in 2004 at the TNB Gallery. La consommation d’oxygène est différente d’un individu à l’autre was displayed using gilt adhesive attached to the white wall of the gallery. It was the first work that welcomed visitors to the exhibition, not in a head-on way, but as if viewed out of the corner of one’s eye. The sentence was displayed on the lateral wall next to the visitor’s entry to the exhibition space. With this peculiar declaration, the purpose of the wall was no longer that of a partition but rather an interface or switch between the heart of the cultural venue — between the vast glass facade that gives onto a panoramic vista of urban activity outside, and the exhibition, composed of works by the artist, which addressed displacement, pauses, the collective corporeal experience and wandering. La consommation d’oxygène est différente d’un individu à l’autre could have been understood by the visitor as a tilting towards empty spaces, like background lettering, floating and indecisive zones. The work had also the ability to serve as an object of auto-criticism regarding the visibility of work in a given space, while at the same time offering the possibility of the experience of a mental space. 

The second installation was carried out also in 2004, when Nathalie Travers, under the curatorial auspices of the project Allotopie, invited a number of artists to create work in public spaces. Jocelyn Cottencin proposed to write his statement in white chalk on a load-bearing underpass of a railway bridge that was located at a busy car and pedestrian crossroads. In the urban landscape, the train tracks and this underpass are strong architectonic and symbolic elements in the collective use of urban space in Rennes. They signal the north-south axis of the city, the movement from the commercial center towards a slowly transitioning housing zone. There is also the imaginary friction between the names of the cities «Rennes» and «Nantes»: this public location is known as «The Nantes Bridge.» Anonymous and rather cold, it is nevertheless a public space of intense human activity, one that sees very heavy automobile, train and pedestrian traffic. No one lingers there except drivers stuck in traffic, or pedestrians that cross from the center city to this semi-residential area developed in the 1930s, consisting of bars and the occasional small shop.

The wall under the Nantes Bridge that Jocelyn Cottencin chose to transform had been previously covered with graffiti and posters announcing concerts and waylaying passerby with political slogans. In the past, covering the wall over with images or texts had to be done rapidly and was competitive: information had to be snappy and the visual impact provocative in order to last a couple of days. Then there was this writing done in chalk, a fragile inscription, easily subjected to a natural or deliberate erasing. Fragile because it intentionally ran the risk of being covered over by future stratus of words and images. But nothing happened for two and a half years. The work took up a long stretch of wall but paradoxically, its presence was discrete, like a murmur of words or leaves, like a white cloud. It also had, like a form of fragile power, to reveal the wall as if anew, in its nudity and materiality, recreating a breathing space where previously there had only been congestion, covering over and frenzies repetitions. From the moment the statement was inscribed, no other graphic element disturbed it until spring 2007. A tacit form of respect, not necessarily towards ‘the work’ itself, but in the sense that suddenly, the public space had become inhabitable, as if Jocelyn Cottencin’s work recognized the space’s functional and imaginative capacity, and in return the passersby undertook to cross it in the same spirit. The work was damaged in the spring of 2007 during the presidential campaign — a political slogan covered part of the graphic work. The violence of this slogan led Jocelyn Cottencin to decide to erase and remove the work. The work drew its power from its ability to maintain a bond, and not just that of any old nihilistic reaction.

La consommation d’oxygène est différente d’un individu à l’autre suggests a double critique. The first is to render obsolete the idealistic claim of art to promote in public spaces a meta-temporal and sacred durability of a work or a monument. The work of Cottencin is created in the specificity of a site, daily temporality and a social use of space. This, however, does not keep it from working in the inner spaces of the imagination or from creating a poetry of expanses and temporal distension. The second form of resistance, which perhaps represents its biggest difference with the art of the 1970s, is the way in which it resists a counter-utopia, i.e. the belief that an art work, which takes charge of a specific site, is capable of revealing all the social tensions or political uncertainties of the moment, as well as denouncing, or even resolving them. This type of art ran the risk of being just as dogmatic and utopian as that of idealism, and placing the artwork at the service of ideologies. The great force of Cottencin’s work is to consider the specificity of a site in relation to its daily usage and its political appropriations, and at the same time to stimulate autonomy of negotiation and use of space by those who actually use them. The recognition of this kind of autonomy of vision and construction of space promotes an access to all of the aesthetic and political potentials of territory.

Although the visual elements and slogans usually spread out on this wall generate commercial brouhaha, or are anti-establishment and accusatory regarding ideological systems, Cottencin’s work silently points out that control and resistance interact exactly where speech is uttered, in the least significant of our usages of space or forms of communication. As Gilles Deleuze has so aptly observed:

”We are becoming societies of control, which no longer function by imprisonment but by constant surveillance and instant communication (...) Perhaps speech and communication are tainted. They are completely saturated with money: not by accident, but by nature. There needs to be a hijacking of speech. To create has always been something other than communicating (...) Belief in the world is what we lack the most; we have absolutely lost the world, we have been dispossessed of it. To believe in the world is also to give rise to events, even little ones, which escape control, or bring into being new space-time, even with reduced surface or volume. It’s what you call Pietas. It’s in relation to each attempt that the capacity for resistance is judged, as opposed to submission to control. There must be at the same time creation, and people.” 3 

The work of Jocelyn Cottencin «believes in the world», and has this capacity to encompass «territories» in order to bring to light space-times which are open to transformation and creation. In this sense Just a Walk is a multi-layered, complex project, precisely because it displays as much humility in its relationship to people and territories, as a forceful demand for political vigilance. 

 

Just a Walk: displacements, energies, collaborations, combinations, proliferations

In 2005, La Criée Center of Contemporary Art in Rennes invited Jocelyn Cottencin to conceptualize and carry out a two-year project that addressed concrete circulation and a critique of Western Europe, in particular in relation to the cities that lie along the Atlantic coast like Glasgow, Rennes, San Sebastian, Bilbao, Porto and Lisbon.

The artist responded to this proposal with Just a Walk, a project that is the exact opposite of the claim to mark or define the territories of art, or of Europe. He immediately launched a double process of research and creation. The first part consisted of an investment of solitary work energy, as well as work with other European artists. This energy took the form of an internet site which grew over time, reflecting various artistic proposals, research sessions carried out in Rennes, encounters which took place during residencies in the European cities listed above, as well as interviews and a journal kept by the art critic Jean-Marc Huitorel. Today, the entire project is a protean whole, rich with its powerful transformation. It outlines a moving territoriality where European topography is not identified according to fixed cultural and global identities, but according to the meeting of individual points of view that question our collective, imaginative and identity constructions. 

Just a Walk brings together diverse artistic proposals such as Vocabulario, a collaborative work between the Lisbon choreographer Tiago Guedes and Jocelyn Cottencin, whose goal is the creation of topo-graphics arising from bodies and letters. The camera filmed from above the active choreography in the performative utterance of an alphabet made from bodies and clothing. Exhibited on a series of monitors, the emergent letters created a continual formation-deformation of signs. These have the appearance of being totally autonomous from each other, while at the same time being intimately linked. On the other hand, their visualization never results in the crystallization of a word in which transparency of meaning dominates. It is rather an incessant wave-like movement that attempts the uttering of a letter or word, with its meaning and its inevitable disappearance. Speech always escapes us. The body, in its movement and its energy, is inevitably resistant to control. The space is what happens in its usage and its necessary mental projection. Vocabulario uses bodies and letters to visualize exactly how much the exploration of territory does not make find embodiment in the occupation of a space, but rather in that place where escape, shifts, links and possible splits take place.

There are also videos and photographs by Marcel Dinahet, forceful works which headily record those places that mark the passage or separation between countries and people. Bridges, for example, are an obvious form of architecture that speaks to European territoriality, and which poses questions regarding connection and exclusion. Subject to intense human usage, the bridges that are situated along borders, such as between France and Spain, are locations where x individual and collective histories are played out. The frank way that Marcel Dinahet films the unbroken stream of bodies and automobiles constructs and sculpts a materiality of space while continuously preparing openings toward otherness and foreignness. The artist has also produced magnificent videos of European coasts, in particular coastal jetties, against which waves continuously break, leaving here and there traces of human passage. These videos of costal regions do not at all reduce the subject to a romantic landscape. In particular they allow one to grasp how coastal Europe, this Atlantic arc, confronts and opens onto that which is no longer really a question of borders, but a vast coastal area, which gives rise to imaginary upheavals, political spaces connected, for example, to immigration between Africa and Europe, or descents into other dreamt-of territories.

 

Just a Walk is also composed of hundreds of images gathered by Jocelyn Cottencin in the process of his travels along the European Atlantic coastline. As the title of the project indicates, to simply walk is to investigate unknown trajectories, as opposed to linear routes, thereby better leaving open the possibility for unexpected and productive encounters. It is also about agreeing to abandon the habits of movement and work rituals that sometimes limit too restrictive border spaces.

What surfaces in the photographs and videos resulting from this walk are unconventional images, i.e. images that supposedly document a place, but contain something quite different. The artist’s openness to exterior events is not enough to create typical documentary or fictional material. Behind concrete, banal situations—a sleeping face, a suspended step, a group of people wandering in the sand—there is a sense of floating and suspension that sets reality against itself to the benefit of a poetics of spaces in the process of becoming/unfolding. A critical position emerges from behind the slowness of a movement, or around the contour of a form, a position that resists all forms of facile seduction, and therefore all claim to truth and authoritarian power. With regard to the works of Jocelyn Cottencin, it would be useless to delimit locations, plot a geography, mark off a path. What is at the heart of this creative process is the abandonment of a mastery of vision in exchange for a driven approach to create images that already contain «a different elsewhere» than they show. This is where the real artistic risk lies.

And what if in the end territory is nothing other than a story of belief, a necessary utopia?

The desire for movement generated by the Just a Walk project is not about the desire to encounter the other merely in order to define a uniform and ideal territory. Just a Walk is a project where friction, difference and contradiction all have their place. To provoke encounters and an opening is a real engagement towards and with the other. It is about taking the risk of experiencing tension and rupture but also construction and what is possible.