JOCELYN COTTENCIN FAIT DES MONUMENTS VIVANTS
JOCELYN COTTENCIN FAIT DES MONUMENTS VIVANTS
Ultra-radicale avec un casting de rêve, la performance « Monumental » du plasticien Jocelyn Cottencin dessine des monuments humains et fait des tableaux de chairs et de pouls pour deux soirs consécutifs au Centre Pompidou. A voir pour s'ouvrir l'esprit absolument.
Un Radeau de la Meduse, des Bunkers, des citadelles avec leurs croix, leurs gardes et leurs oriflammes, des vierges et des madones michel-angéliques… Jocelyn Cottencin demande à des monuments de la danse de créer des monuments humains, des tableaux vivants, de retracer le chemin émotionnel, intellectuel et physique qui mène de l'idée au résultat.
Les interprètes font leur entrée sur le dézingant « Feel » de Ty Segall. On distingue Mickaël Phelippeau, Nuno Bizarro (collaborateur fétiche de Boris Charmatz) et le militant Matthieu Doze. Pour l'occasion, le plateau de la grande salle de Beaubourg est squatté pour y disposer le public, autour d'un espace rectangulaire délimité des baguettes et des vêtements posés en nuancier: jaune, bleu, vert et orange. Ce colorama, c'est les coulisses, dans lequels les performeurs, souvent nus, se changeront dans le public, entreront et sortiront de leurs « personnages ». Dans ces vêtements il y a le ciré jaune petit bateau, l'anorak rouge uniqlo, la minijupe en lamé de Rihanna, des baskets bleu pétrole, une côte de maille de visage…
Comme des pions sur un jeu d'échecs, les douze apôtres (six hommes/six femmes) se positionnent et se déplacent en calculant, pesant chacun de leurs pas. Régulièrement, l'un d'entre eux annonce la couleur de ce qui est en train de se passer ou de ce qui va suivre « Mercure », « guetteur », « triangle »… Très souvent, le public ne comprendra pas ce qui est dit. Peu importe: on voit, on réfléchit, on doute, on interprète.
Cette écriture ultra-radicale qui part d'un film est un travail en profondeur jusqu'à la racine des images. C'est l'anti-instagram, ce défilé permanent sur le tapis-roulant du zapping (la Fondation d'entreprise Hermès en est le sponsor). Dans ces remous humains, dans ce tissu vivant on redécouvre Rodin en penseur halluciné dans un fabuleux travail sur les mains et les pieds, l'immobilité, la position des doigts. On regarder Mickaël Phelippeau entrer dans un penseur, suivre sa main du regard, entrer en lui-même. On voit comment on entre dans une posture, comment on crée la perspective avec des bâtons, littéralement, on pèse la difficulté de figer une force en mouvement.
Quand vient « 14-18» puis « la paix » : c'est un tas de débris qui est mis en chair. Comme si pour avoir la paix il faut avoir connu la guerre, puis faire un massage cardiaque à un amas de corps sans vie et tout ira mieux. Sauf qu'à la fin, c'est tout un coeur qui pulse sous les débris, et c'est génial.
Araso
JOCELYN COTTENCIN FAIT DES MONUMENTS VIVANTS
Ultra-radical with a dream cast, visual artist Jocelyn Cottencin's “Monumental” performance draws human monuments and creates tableaux of flesh and pulse for two consecutive evenings at the Centre Pompidou. A must-see to open your mind.
A Raft of the Medusa, Bunkers, citadels with their crosses, guards and banners, Michelangelo virgins and Madonnas... Jocelyn Cottencin asks dance monuments to create human monuments, living tableaux, retracing the emotional, intellectual and physical path that leads from the idea to the result.
The performers make their entrance to Ty Segall's dezingant “ Feel ”. They include Mickaël Phelippeau, Nuno Bizarro (Boris Charmatz's favorite collaborator) and activist Matthieu Doze. For the occasion, the stage of Beaubourg's main auditorium is squatted to accommodate the audience, around a rectangular space delimited by rods and clothes laid out in a color chart: yellow, blue, green and orange. This colorama is the backstage area, where the performers, often naked, will change into the audience, entering and exiting their “characters”. These clothes include a yellow oilskin, a red uniqlo anorak, Rihanna's lamé miniskirt, petrol-blue sneakers and a face rib...
Like pawns on a chess board, the twelve apostles (six men/six women) position themselves and move around, calculating and weighing up their every step. Regularly, one of them announces the color of what's happening or what's to come: “ Mercury”, “ watchman”, “ triangle”... Very often, the audience won't understand what's being said. No matter: we see, we think, we doubt, we interpret.
This ultra-radical writing, which starts from a film, is an in-depth work that goes right to the root of the images. It's the anti-instagram, the permanent parade on the rolling carpet of zapping (sponsored by the Fondation d'entreprise Hermès). In the midst of all this human commotion, in this living fabric, we rediscover Rodin as a hallucinated thinker, in a fabulous work on hands and feet, immobility and the position of the fingers. We watch Mickaël Phelippeau enter into the mind of a thinker, follow his hand with his gaze, enter into himself. We see how a posture is entered, how perspective is created with sticks - literally, we weigh the difficulty of freezing a force in motion.
When it comes to “ 14-18 ‘ and then ’ Peace”, it's a pile of debris that's put into flesh. It's as if to have peace, you have to have experienced war, then give heart massage to a pile of lifeless bodies and all will be well. Except that, in the end, it's a whole heart that pulses beneath the debris, and it's brilliant.